L'épopée des onze 4000m Valaisans

Publié le par Sandrine Laplace


La tournée des 4000m Suisses du 21 juillet au 5 août 2007
Featuring Loic Perrin, Simon Pasquier, Pascal Henri and myself.

Qui a dit qu'il n'y avait pas eu de soleil pendant l'été 2007 ?  A quelques rares journées pluvieuses près, hautement providentielles puisque transformées en journée de repos que mes infatigables compagnons ne voulaient pas prendre, nous avons accumulé autant de 4000m que de joueurs dans une équipe de football pendant nos 15 jours dans les vallées de Saas et Zermatt ! 

Départ matinal  (6h du mat' !) de Grenoble pour Loic (chef de notre agence organisatrice, Perrin Voyages), Simon (du Gabon - comprendra qui peut...- , dit aussi La Brioche) et Pascal (notre expert 6c) le samedi 21 juillet, et petit crochet par Annecy pour passer me prendre et finir de remplir les derniers centimètre-cube restants dans la clio !

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Plus 1 cm2 de libre dans la clio ! Plage arrière chargée à bloc

Petites emplettes à haute teneur en cholestérol au marché de Chamonix, et nous voici quelques heures plus tard à Saas Almagell: c'est le point de départ pour la montée à l'AlmagellerHutte, 1200 m plus haut, soit 3 heures (dont 2 sous la pluie) pour La Brioche et moi qui décidons de suivre le sentier, mais 2 heures de plus (toujours sous la pluie !) pour Loic et Pascal qui ont trouve une variante plus rigolote hors sentier... Heureusement que nous sommes au 2ème service de dîner, ce qui permet aux retardataires d'arriver juste à temps pour la soupe !

Comme course d'échauffement, nous partons pour la traversée S-N des Weissmies. Avec la pluie/neige de la veille, pas besoin de sortir les crampons pendant toute la montée sur le névé puis l'arête, on se contente d'enfoncer avec délectation ses petits pieds dans la ouate...

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En tous les cas, en ce beau dimanche, nous ne sommes pas les seuls sur cet itinéraire qui commence plutôt à ressembler à la promenade des Anglais... L'arête rocheuse est bien enneigée mais on passe tout sans crampons (et sans soucis !), sauf l'arête neigeuse finale ou nous finissons par les chausser. Les miens sont déréglés (je les ai récemment prêté et ai oublié de les re-régler), ce qui me vaudra 10 min de maugréage-dans-ma-barbe et une petite onglée.

Après l'esthétique arête finale, nous arrivons bientôt au sommet où nous rejoignons la horde d'alpinistes ayant gravi la voie normale...

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Arête finale des Weissmies Loic et Pascal, presque au sommet

Nous redescendons rapidement par la VN et marchons jusqu'à la WeissmiesHutte où mes désirs se matérialisent dans la soirée sous la forme d'un excellent dessert au chocolat...

Le 4000 du jour suivant est rapidement surnommé "la bouse"par Loic après qu'il se soit ennuyé en ma compagnie (incroyable !) sur des rochers trop faciles et une arête finale débonnaire...Il faut dire que nous avions prévu de gravir le Lagginhorn par son arête Sud, mais vu le plaquage de neige et le vent, nous nous rabattons sur la voie normale. Au lever du jour, nous avons quand même le plaisir de voir les Mischabel s'embraser... mais au sommet, il est vrai que le vent ne nous fait pas regretter notre décision !

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Levé de soleil sur le Dom Ca souffle sur les Weissmies

Quelques milliers de mètres à redescendre pour rejoindre la vallée de Saas où nous passons notre première nuit de camping sous la pluie.

Le lendemain, changement de vallée et montée de dénivelé modeste à la DomHutte (seulement 1500m ! Sandrine, il faudra t'y faire...) d'où nous planifions de gravir ... le Dom (bravo ! quelle perspicacité) par Festigrad, la chouette arête qui mène directement au sommet (après 1600 m de dénivelé quand même, mais bon, c'est les vacances non ?). Le refuge est sympa, tout en rond, mais le plafond des dortoirs un peu bas...

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Bas de plafond, cette hutte ! Levé de soleil sur le Weisshorn

Le lendemain matin, à l'arrivée au Festijoch où la voie normale et Festigrad se séparent, le temps est encore parfait et le Weisshorn se dévoile dans toute sa splendeur... Nous nous engageons dans l'arête surtout neigeuse et pas difficile (le seul passage un peu raide se situe tout au début et des cordées entières y ont dévissé...selon le Biner).

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"Là où des cordées entières dévissent" selon le Biner Partie finale de l'arête: le sommet est encore loin....

Mais bizarrement, le sommet semble s'éloigner au fur et à mesure que je m'en rapproche ! Étrange... seraient-ce les effets de l'altitude ? Bref, je crache mes poumons sur les derniers mètres, ca m'apprendra à trop faire la fête la semaine précédent les vacances d'alpi ! Nous arrivons peu après 2 suissesses qui nous ont tracé la voie à une vitesse impressionnante, et loin devant la cohorte qui devrait débarquer dans les heures qui suivent de la voie normale que nous entamons bientôt pour redescendre. Après une petite pause-rostis au refuge, nous dévalons encore les 1500m qui nous séparent de la voiture avant d'aller savourer notre prochain camping qui nous servira de camp de base pendant la semaine restante.

Le lendemain, jour de repos bien mérité (et âprement négocié vu qu'il fait grand beau !) avec trempette dans un petit lac (gelé) et apéro au fendant suisse ! Nous appelons la RothornHutte pour effectuer la suite du programme (Obergabelhorn et Zinalrothorn), mais elle est pleine les jours suivants, nous obligeant donc à trouver un plan de rechange. Après relecture des nombreux topos, nous optons pour la traversée des Breithorn traversant pas moins de 5 sommets de 4000m sur une arête AD+ mixte de 2 km ! Beau programme... nous allons donc rejoindre le refuge des guides d'Ayas en Italie via le petit Cervin le lendemain, ce qui me permettra enfin de passer par Zermatt où je n'avais encore jamais mis les pieds...3 h de marche seulement pour atteindre le refuge, nous ne pouvons donc résister à l'appel de Pollux au pied duquel nous passons pour rejoindre le refuge, histoire d'occuper la journée.

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Attente au soleil Loic

Et le lendemain, c'est parti pour la grande chevauchée des Breithorn ! Cette course s'avérera une des plus belles que nous ayons tous fait avec un cheminement varié et en excellentes conditions.

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Bientôt au Rocca Noria
 

Nous attaquons bientôt la partie rocheuse en IV+, qui peut s'éviter par un couloir à gauche, mais ce serait bien dommage...En haut du premier ressaut rocheux, l'arête devient par endroit très éfilée et nous jouons parfois aux cow-boys...

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Attaque du passage en IV Loic et Sandrine chevauchant les cimes !
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Loic et Pascal L'enfilade des Breithorn

Nous terminons la course sur le très couru Breithorn ouest où des guides montent leurs clients en plein après midi, avant de redescendre dans la verte vallée de Zermatt le coeur léger d'avoir plané entre terre et ciel toute la journée ! (petit quart d' heure poétique... ).

Et ce n'est pas terminé ! Il y a finalement de la place pour nous a la RottornHutte où nous montons dès le lendemain (c'est reparti pour 1600m !). Après un repas Pantagruélique, et la courte nuit habituelle, nous ouvrons l'oeil à 3h du matin pour s'apercevoir que la tempête fait rage. C'est personnellement avec un plaisir non-dissimulé que je me replonge sous mes couvertures chaudes pour une grasse mat' imprévue et une journée de repos où je vais déguster mon roman Afghan durement monté jusqu'au refuge, en alternance avec de nombreuses parties de coinche !

Après ce bon repos, nous voilà partis un jour plus tard pour l'Ober Gabelhorn via la WellenKuppe. Après une rapide approche glacière, nous gravissons les rochers délités de cette dernière devant une pleine lune qui cède bientôt la place aux premiers rayons du soleil sur le Cervin tout proche.

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La WellenKupe Le Cervin

Après la WellenKupe, nous replongeons à l'ombre pour aller gravir le gendarme, avant d'entamer l'arête proprement dite, d'abord neigeuse puis mixte.

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Une belle arête mixte dans une ambiance très hivernale L'esthetique arête NE de L'Ober Gabelhorn, et sa face nord

Il fait bien froid sur cette arête, il y a un peu de vent. La partie rocheuse est bien enneigée mais pas trop gelée, donc la progression reste relativement facile. Avec La Brioche, nous réversons sur les 3 longueurs de rocher jusqu'au sommet, et je respire un bon coup sur deux passages en tête un peu plus durs et expo... (dans le 2ème, juste en dessous du sommet, je suis même obligée de pousser aux fesses  une sympathique collègue de la cordée Suisse-Allemande de devant, le tout dans une bonne ambiance rigolarde).
Nous ne faisons pas de vieux os au sommet malgré la vue à couper le souffle, car la descente promet d'être longue ! Nous effectuons 2 rappels dans la descente (que nous partageons avec nos amis Suisse-Allemands), dont l'un dans le gendarme juste pour nous occuper en attendant la cordée Loic-Pascal.

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Nos collègues Suisse-Allemands en plein rappel Simon assi sur son piolet, le Cervin en toile de fond

La descente de la WellenKupe est un peu désagréable, puis nous rejoignons bientôt à nouveau notre RottornHutte chérie et ses tartes aux pommes divines. Pendant la même journée, de nombreuses cordées sont allées à notre course du lendemain, le Zinalrothorn, qui s'avère être bien enneigé et donc un peu plus dur qu'annoncé. Mais après l'Ober, plus rien ne nous arrêtera !

C'est donc parti à 4h le lendemain pour le Zinalrothorn par sa voie normale. Nous atteignons le départ de l'escalade au levé du soleil, après avoir parcouru une petit arête neigeuse fort jolie sur fond de Cervin rosé.

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Loic et Pascal bientôt au pied des rochers Simon attaque l'escalade
   

Simon se lance en tête sur les premiers rochers jaunis par le soleil levant. Il s'agit d'escalader le début de l'arête Est avant de traverser par un couloir d'habitude en pierrier mais aujourd'hui en neige et glace pour rejoindre le Gabel (le petit col en fourche) sur l'arête Sud que nous suivrons ensuite jusqu'au sommet.

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Simon dans le couloir en glace menant au Gabel Sandrine arrive au Gabel

Petites hésitations sur le port de crampons: ON dans la montée jusqu'au Gabel, OFF jusqu'au sommet pense t'on en déchaussant alors, mais non, finalement re-ON juste avant les dalles de IV où un passage bien verglacé nous oblige à les rechausser. Dire que d'habitude tout ceci est censé être archisec comme les chaussettes de la duchesse ! Simon a eu droit à mon SEUL (j'insiste - il paraît qu'il a une version alternative et fausse des faits :-) ) petit gueulage des vacances sur la fin de l'arête qui devient bien aérienne, et où mes craintes du vide que je croyais désormais enfouies se sont ranimées: "Simon, ca passe à gauche ou à droite ? ". Réponse: "Je sais pas !". L'Alzheimer de l'altitude, le blanc total, Simon n'a aucune idée de si je dois plutôt me suicider en face Est ou Ouest des derniers ressauts. Bref, je reprends mes esprits en même temps que le chemin, et nous atteignons bientôt le sommet et son Christ. Encore une fois, on passerait bien la journée à se délecter du panorama au sommet, mais on préfère repartir avant les embouteillages prévus par Bison Futé à la descente. Grand bien nous en aura pris: nous mettrons ainsi 1h30 d'avance à Loic-Pascal qui eux se retrouvent coincés comme sur l'autoroute du midi un 15 août...

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Vue depuis le ZinalRothorn Mémé au refuge

Au refuge, bière et tarte aux pommes bien méritées avant d'entamer les 1600m de descente pour retourner à notre petit camp de base du camping.

Un jour "forcé" de repos nous attend le lendemain, à 3 jours de la fin des vacances: cela nous laisse ainsi le temps de re-potasser les topos au café du camping pour trouver la course finale. Nous avons déjà pas mal éclusé les 4000m Valaisans et il nous vient finalement à l'idée de se rapprocher du Massif du Mont Blanc pour une course "sur la route du retour". Et le mot est bientôt lancé: les Grandes Jorasses ! Bien sûr, on parle de la voie normale, ca nous ira déjà bien comme première approche de ces sommets mythiques. Petit coup de fil au refuge, il reste de la place: j'explose de joie en m'imaginant déjà contempler la vue de la haut... 

Un jour plus tard et 1400 m de montée plus haut, nous voici au refuge Bocallate immédiatement plongé dans l'ambiance austère des lieux. Le gardien n'est visiblement pas la depuis longtemps, et son "dîner vers 19h/19h30" se fera finalement à 20h15: dur dur quand il faut se lever à 1h du mat' ! On espère que le petit déjeuner sera un peu plus ponctuel...

Je dors pas mal du tout pendant ces quelques heures, même si contrairement aux courses précédentes des vacances, je suis un peu stressée pour le lendemain... petit-dej (ponctuel !) rapide, nous sommes (par hasard) les premiers à décoller du refuge et devons donc nous atteler à la trace qui a disparu suite aux chutes de neige des 2 derniers jours. Quelques grosses crevasses à traverser dans le noir: tant mieux, on ne préfère pas voir plus bas... Loic, qui fait la trace, se fait une petit frayeur quand sa jambe s'enfonce soudainement dans la neige, mais il ne s'agira que d'un "nid de poudreuse". Petite pente en glace avant le Reposoir, et c'est parti pour l'escalade à la frontale. Nous perdons 1/2h à chercher la bonne 1ère longueur, bientôt rejoints par les suivants qui ne s'empressent pas de nous doubler afin de nous laisser continuer à ouvrir le chemin... que nous trouvons finalement, et nous voila bientôt au sommet du Reposoir quand le jour commence à pointer. Il faut maintenant traverser ce qui est pour moi le passage clef (c'est à dire celui qui me fait peur :-) ): le couloir d'environ 200m de large bien raide, partiellement glacé et expo pour rejoindre la base de l'éperon Whymper.

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Levé de soleil sur le Mont Blanc Le couloir entre le Reposoir et l'éperon Whymper

Je ne respire plus pendant cette traversée, mais nous voilà bientôt arrivé à nouveau sur les rochers où je me dis d'abord "on va arriver au sommet" puis "pfff, va falloir se refaire ca en sens inverse à la descente...".

On repart dans l'escalade mais à la fin de la 1ère longueur, je suis accueillie par la nouvelle que Loic vient de perdre son piolet. Après quelques minutes de réflexion, la sentence tombe: demi-tour, car avec un seul piolet pour la cordée Loic-Pascal à la descente, on risque de mettre des plombes (et avec un isotherme à 4000m aujourd'hui, pas la peine de traîner jusqu'à 6h du soir dans le couloir et les grosses crevasses du bas). Je passe 5 min. à m'auto-convaincre que c'est effectivement la bonne décision ("mais quand même, on a passé toutes les difficultés et le sommet est juste là !"), et c'est reparti pour la lonnnnnggggguuuue descente.

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Pascal installe une "via brochata" pour Loic L'éperon Whymper et le sommet !

Bon, ben les Jojo, ce sera pour une autre fois. C'était déjà une belle incursion dans cette face et comme ca, on connaît la route maintenant :-)

Les vacances tirent alors sur leur fin: dernière nuit de camping au pieds des Jojo, petite raclette le soir pour fêter ca (euh, "ca" n'étant pas le sommet, disons que c'est notre sage décision), excellente glace à Courmayeur le lendemain, pique-nique et petits jeux avant de regagner nos pénates. En ne pensant qu'à une chose: quand est-ce qu'on remet ca ?

En tous les cas, merci qui ? Merci Perrin Voyages pour le super programme et merci à notre monsieur meteo à nous, Pascal, pour avoir choisi LE créneau de soleil de l'été ! Et pour pas le laisser en reste (et éviter les vipèrades - du Gabon - éventuelles futures), merci à Simon La Brioche d'avoir tenu l'autre bout de la corde :-)

Compte-rendus dans c2c:les Breithorn, l'Ober Gabelhorn, les Grandes Jorasses.

Publié dans Alpinisme

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M
Echos de l'autre côté de la corde pour corriger quelques inexactitudes et quelques omissions du (fort bon par ailleurs) récit de Mme La Muse:<br /> - Rassurons sa famille et ses amis, Sandrine n'était pas au bord du suicide sur le Zinalrothorn ou alors c'était un suicide façon secte millénariste vu qu'à l'autre bout de la corde se morfondait la Brioche ;-) (et encore nous étions assuré sur un bon vieux piton qui aurait sans doute retenu un éléphant)<br /> - Il semblait me souvenir (mais peut-être me trompe-je) que des alpinistes bataves croisés sur le Breithorn avaient fait l'objet de quelques quolibets que certains auraient classé dans la catégorie "gueulante" :o)<br /> - Sandrine oublie de rapporter à ses nombreux admirateurs le doux et amical surnom dont l'avaient affublé ses compagnons alpinistes. Cependant ami lecteur, si tu es curieux (et je sais que tu l'es sinon tu aurais déjà décroché), tu peux toujours cliquer sur les liens à la fin de l'article, tu devrais pouvoir trouver la solution... Je crois d'ailleurs qu'il y a un cadeau à gagner pour la première bonne réponse :-)<br /> <br /> Pour finir, félicitations à La Muse pour ce joli article qui retranscrit bien nos 15 jours en montagne...
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G
Je suis dégouté...
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